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En 2008, l’auteure Rebecca Solnit a publié son désormais célèbre essai, Men Explain Things to Me, (Ces hommes qui m’expliquent la vie) déclenchant une tempête !

Bien que Solnit n’ait pas utilisé le mot « mansplaining », on crédite à cet essai la naissance de ce terme, qui fait maintenant partie du langage courant.

Le « mansplaining » survient lorsqu’un homme (« man ») explique (« explain ») à une femme quelque chose qu’elle sait déjà, sur un ton généralement paternaliste ou condescendant. Même si cette dernière n’a rien demandé, et qu’il s’agit souvent de son domaine d’expertise et pas du tout de celui de l’homme. Idem lorsqu’une femme tente de raconter une expérience signifiante, et qu’un homme renchérit.

Les femmes ont donc finalement trouvé un moyen d’exprimer ce phénomène qu’elles vivent régulièrement, particulièrement au travail.

Sallie Krawcheck prend la parole à l’assemblée annuelle de la Securities Industry and Financial Markets Association. (AP Photo/Mark Lennihan)

Sallie Krawcheck, ancienne PDG à la Citibank et auparavant PDG de Smith Barney Investment Advisers, a déjà dit que des investisseurs en capital-risque intéressés par sa nouvelle entreprise d’investissement financier, Ellevest, lui offraient des conseils financiers qu’elle-même leur avait déjà donné!

Nous avons toutes nos propres histoires à ce sujet. La plupart des femmes que je connais lèvent les yeux au ciel lorsqu’on leur pose des questions sur le « mansplaining ». Nous en avons fait l’expérience si souvent que nous ne sommes même pas toujours conscientes de ce qui se passe.

Monsieur prend le plancher

Notez, comme le fait Solnit, que le « mansplaining » n’est pas un défaut universel du genre masculin. Il s’agit simplement d’un mélange d’excès de confiance et de manque de connaissances. Un vieux problème qui a un nouveau terme pour décrire une réalité très tangible.

Des études montrent que dans les réunions, les hommes parlent davantage, et encore plus s’ils ont du pouvoir. Les hommes interrompent aussi davantage, et sont moins susceptibles que les femmes de céder la parole. Les femmes craignent (à juste titre) que si elles se battent pour faire entendre leur voix, elles en subiront les contrecoups.

La blogosphère est remplie de recommandations sur la façon dont les femmes doivent gérer le « mansplaining » lorsqu’il se produit : 7 façons de répondre à du « mansplaining », ou Comment traiter avec un « mansplainer » et Comment gérer le « mansplaining » au travail.

Ces recommandations sont bonnes : ignorez le « mansplainer », tenez-vous debout, posez-lui des questions sur son expertise et sur ce qu’il espère accomplir en « expliquant » quelque chose, utilisez d’autres femmes comme alliées pour vous défendre, et autant d’humour que possible.

Comme avec le mouvement #MoiAussi et d’autres efforts pour souligner les inégalités que connaissent les femmes, beaucoup d’hommes se sentent attaqués, même lorsque les femmes tentent de répondre avec humour, comme l’a fait la blogueuse féministe Elle Armageddon avec son organigramme « Should You Explain Thing to a Lady ? ».

« Pas tous les hommes » est le refrain habituel. Mais honnêtement, de telles protestations témoignent d’une réticence à écouter les expériences légitimes des femmes sur leur lieu de travail. Et il est injuste que, bien que le « mansplaining » soit subi par les femmes, les solutions semblent toutes porter sur la façon dont ces dernières peuvent y faire face – plutôt que sur la façon et les raisons pour lesquelles les hommes devraient cesser de le faire.

Tactiques d’éradication

Un service d’assistance téléphonique serait génial, mais apparemment il n’est disponible qu’en Suède. Shutterstock

En Suède, un important syndicat a mis en place une ligne d’assistance téléphonique pour dénoncer un « mansplainer ». Vous pouvez appeler pour dénoncer les délinquants et recevoir des conseils et de la compassion. Mais ce n’est pas une ressource dont nous disposons toutes.

Alors, que peuvent faire les hommes pour se débarrasser du « mansplaining » ? Les conseils d’Armageddon sont plutôt bons : si vous n’êtes pas un expert en la matière, vous n’avez peut-être pas besoin de parler.

Pour ceux d’entre vous qui craignent d’être un « mansplainer », gardez à l’esprit – même si vous êtes un expert – que la femme est aussi une experte et n’a pas demandé votre avis. Vous pouvez simplement rester silencieux. Quel mal y a-t-il à écouter ? Vous pourriez apprendre quelque chose. Même si vous parlez beaucoup moins, vous le faites dans doute encore plus que les femmes dans la salle, selon la recherche que j’ai citée plus haut.

Mais les « mansplainer », presque par définition, ne peuvent pas s’en empêcher. Les conseils sur l’auto-contrôle sont voués à l’échec. Peut-être devrions-nous donc réfléchir à des solutions plus structurelles. En d’autres termes, que peuvent faire les organisations pour égaliser les chances ?

Ajuster le niveau de testostérone

En tant que professeur de gestion stratégique, j’y ai beaucoup réfléchi dans mon propre enseignement aux étudiants du MBA. Historiquement, les programmes de MBA ont toujours été à haute teneur en testostérone. J’ai l’habitude de faire appel aux étudiants qui sont silencieux, de découvrir qui sont les vrais experts et d’interrompre ceux qui parlent tout le temps.

J’évalue également les élèves en fonction de leur contribution à l’expérience d’apprentissage en classe. Et ces évaluations récompensent l’écoute et la mise à profit des idées des autres (pas seulement en répétant leurs propres lignes dans leur tête pendant qu’ils attendent de parler).

Les organisations peuvent reproduire ces pratiques. Elles peuvent élaborer des lignes directrices lors des réunions afin que chaque personne puisse partager son point de vue ou donner des instructions. L’animateur de la réunion s’assureraient que les « mansplainer » ne prennent toute la place au détriment des femmes.

Il ne suffit pas, soit dit en passant, de simplement prolonger la période de questions ou de discussions dans l’espoir que les femmes s’exprimeront davantage ou que les hommes seront à court de choses à dire. Les recherches montrent que cela ne fonctionne pas .

Les réunions d’affaires sont particulièrement appréciées des « mansplainers. » (Shutterstock)

De plus, les évaluations de rendement pourraient être adaptées pour sanctionner le « mansplaining » de certains, et récompenser l’écoute et la mise à profit des idées des autres membres de l’équipe.

En bref, nous devons cesser de donner aux femmes des conseils sur la façon de corriger les inégalités et la discrimination auxquelles elles sont confrontées et nous tourner plutôt vers les auteurs de ces actes pour qu’ils changent leur comportement et vers les organisations pour qu’elles changent la dynamique du milieu de travail.

« Réparer les femmes » est une solution coûteuse pour ces dernières et pourrait entraîner la perte de précieuses employées dans les entreprises. En fin de compte, il sera inefficace sans un changement organisationnel. On ne devrait pas demander aux femmes de « s’occuper » du « mansplaining ». Les organisations devraient s’en occuper à leur place.The Conversation

Sarah Kaplan, Professor, Strategic Management, Rotman School of Management; Director, Institute for Gender and the Economy, University of Toronto